Platys Gialos, 1980

Platys Gialos, 1980
Charlotte Mont-Reynaud, Platys Gialos, Mykonos 1978

jeudi 31 décembre 2015

On a dansé avec les potes

On s'est retrouvé
on s'est serré 
on a bu 
on a dansé 
avec les potes
putain que c'était
bon cette joie-là
le réveillon
du 31



L'impansable

Le soleil 
              couché
la parole
              levée
doucement
               (très)

C'était pas une chanson, non
ça s'est posé là,
ces mots sur l'épaule
comme un oiseau frêle

Une consolation ? 
C'est sorti de la bouche
brièvement, et puis
c'est retombé

La parole menue
déposée sur le bord 
d'une table dans la nuit
s'agenouille

Est resté 
un silence
sur une main 
prenant l'autre

pour caresser
l'impansable

Shadows of my memory -César Ordóñez




mardi 29 décembre 2015

J'habitais le peut-être

J'habitais le peut-être. J'étais logée dedans. Oh, pas longtemps j'avoue, ça aura été bref. J'étais blottie chez lui. Locataire pour un temps. Il faisait bon. C'était doux. Pas confortable pour autant. Un no man's land intermédiaire. Une latence. Un temps comme ralenti, qui attend et espère. Qui féconde les chimères, les espoirs naturels, qui semblent fous. Une zone floue qui ne sait pas. Qui ne prend pas parti. Qui offre des possibilités, des ouvertures. Des permissions surtout. Des rêves qui n'osent pas ou peu se dévêtir. Des rêves qu'on préfère taire de peur qu'ils ne s’abîment. Qu'ils rétrécissent dans des mots mal ajustés à leur (dé)mesure. Même si c'est ridicule. Que c'est stérile. Qu'ils ont besoin de chair, de sueur, d'élan, d'essais, de maladresses. De corps et de matière pour voir le jour. Qu'ils ont ce besoin viscéral et vital d'autorisation. J'habitais pour un temps cette voie ouverte à l'offrande et à ce qui se refuse. Cet entre-deux en équilibre, suspendu entre ce qui me file chaque jour entre les doigts et la délicate dentelle du demain que j'espère. Comme tout le monde, je ne sais rien de ce demain que je nourris entre les lignes. J'avais préparé mon plus beau sourire pour l'accueillir. Je m'étais dit qu'il faudrait que je le garde grand au creux des joues et du jour qui vient. Ce sourire-là. Qu'importe l'issue. Je n'habite plus le peut-être, il a perdu l'équilibre. Et je suis à la porte du jour, au peut-être éperdu. C'est toutefois demain qui me porte. Et me porte à croire que la difficulté est fertile. 




dimanche 27 décembre 2015

La petite mendiante

Je suis pauvre
à la table
des mots

je me terre
je laboure
j'éviscère

j'extrapole
je me mine
je m'atterre

je ne trouve

que les heures
le silence 
s'écrit

Anais Nin

We don’t see things as they are, we see them as we are.
– Anais Nin


samedi 26 décembre 2015

D'avaler la lumière

La vie grandit
dans ton regard

Elle se déploie
sous tes paupières

Dissémine
son pollen suspendu

Fécond de
cette autre lumière



Whale Whisperers by Anuar Patjane Floriuk 
Winners 2015 National Geographic Traveler Photo Contest

vendredi 25 décembre 2015

mercredi 23 décembre 2015

Libido #15

Dresse
ta verve
érige 
ton
élan 
textuel

Rien n'éclôt

Le silence brûle ma page
l'heure creuse son sillon
elle tarde à venir
la fulgurance
des jours où parfois
la récolte se donne

je patiente 
je ne me hasarde pas
la page reste blanche 
vide des silences
hurlant devant
ma porte




mardi 22 décembre 2015

La feinte

Glisse dans 
la couverture
claire de la nuit

Prolonge un peu
encore la chaleur
de l'amnésie

Oublie quelques
heures ce qui semble 
accorder l'apaisement

Ne demande rien 
attends simplement
son bon vouloir

Énième tentative vaine



lundi 21 décembre 2015

L'absente

Le plus souvent
je ne suis
bonne à rien

je ne sais
que m'absenter
aux extrémités

si loin que je
 m'égare dans 
l'ourlet du jour

j'en perds
le chemin
de mes mots

ne trouve
que celui de
ta bouche






dimanche 20 décembre 2015

Libido #14

Je voudrais
qu'on s'ex(e)
-périmente
dans le palais
des bouche-
(rie)s

Verbiage

Quand je verbalise, je ne dresse pas de procès.

Fernando Pessoa

« J'ai toujours été un rêveur ironique, infidèle à mes promesses intérieures. J'ai toujours savouré — étant autre, et étranger — la déroute de mes songes, spectateur fortuit de ce que j'avais cru être. Je n'ai jamais ajouté foi à cela même en quoi je croyais. J'ai rempli mes mains de sable, auquel j'ai donné le nom de l'or, et puis j'ai rouvert les mains et je l'ai laissé s'échapper. La phrase était mon unique vérité. Une fois la phrase dite, tout était accompli, le reste n'était que du sable, comme il l'avait toujours été. »
(Pessoa)

vendredi 18 décembre 2015

Détourne(ment) #6

Pour me recueillir, je retourne aux sources
                                                         bourses
                                                                                           

C'est joli les malentendus

C'est joli les malentendus. C'est doux parfois. Elle ne devait pas être là. Enfin c'est ce qu'elle croit. C'est ce qu'elle continuera de croire au fond. Elle n'était pas attendue. Ou pas vraiment. C'était bien elle qu'ils avaient invité sur le papier. Enfin [...]. Sur le papier seulement. Sur une fausse idée. Elle se serait fait passer pour "l'amie de quelqu'un de bien". Qui serait presque recommandable du coup. Tout le monde sait à présent qu'elle n'était pas ça. Cette "amie-là". Elle était sincère, pourtant, dans son mensonge. Elle ne pensait pas avoir emprunté ce chemin-là. L'usurpation... Elle connait pourtant bien, ça la suit partout. C'est après qu'elle a su. Quand on le lui a dit. En tout cas, elle y a cru. Au moins un peu. Elle se sera "presque" sentie l'une d'eux. Cette meute qu'elle redoute tant. Le temps d'une soirée. Le temps d'un malentendu. Elle y aura été bien reçue. Très. Elle sera étonnée après coup de la chaleur donnée. Elle n'en reviendra pas vraiment. Elle se questionnera encore, comme elle le fait pour tout. Elle ne saura plus qui d'eux ou d'elle fait si bien semblant. Elle aura pensé au dîner de cons, évidemment. Elle se sera dit "tiens, je sais de quel côté je serai". Et puis elle y sera allée quand même. Peut-être parce qu'elle n'est plus à ça près. C'est une deuxième nature chez elle. Là-bas, elle se sera laissée aller. Comme à son habitude. Elle parle trop pourtant. Elle le sait. Même sans une goutte d'alcool. Elle adore écouter aussi. Sans couper la parole (si si, c'est vrai). Ça lui évite de dire des conneries, hein. Il vaut mieux ne rien dire et passer pour un con que l'ouvrir et ne laisser aucun doute à ce sujet (merci Jean Yanne). Mais elle aura parlé quand même. Trop. Evidemment. Et ça aura dérapé... Elle se sera livrée. Un peu. Un peu beaucoup. Beaucoup trop en fait. C'est tout elle ça. Elle en fait toujours trop. Ça fait des années qu'on le lui dit pourtant. C'est plus fort qu'elle. Ça la dépasse, ça lui échappe. Elle voudrait tout maîtriser alors que même sa parole, elle ne la maîtrise pas. Elle ne dit jamais ce qu'elle dit comme elle voudrait le dire. Elle trébuche. Elle ne sera jamais grande. Elle restera sans doute tout le temps cette petite chose insignifiante. Qui a peur de tout. Peur d'être elle-même. Peur de ne pas plaire. Peur de ne pas être aimée.  Ça la suivra tout le temps. Elle le sait bien. Mais elle aura été sincère dans son mensonge. Elle l'est tout le temps. Et elle se dira, en pensant à la citation de John B. Frogg "Derrière la vérité, il existe une autre vérité; laquelle est la vérité ?", que derrière le mensonge, il existe un autre mensonge, en se demandant encore longtemps lequel mensonge est le plus vrai.

Note : A Eric P. avec tous mes remerciements. Parce que j'aime la farce. Et le boudin, noir ou blanc.

jeudi 17 décembre 2015

Libido #13

Regarde
par le trou
de ma serrure
tu pourras
y dénicher
des traces 
textuelles

Ces paroles

Qui rapportera
ces paroles
non dites

toutes celles
qui germent
dans le noir

ces éclats
suspendus 
aux épaules
du silence 

accrochés 
à la peau
des nuages

sans même
avoir pu
naître



Photographie de Mademoiselle De, juste 


Détourne(ment) #5


Je n'arrive pas à m'arrimer
                           m'aimer



mardi 15 décembre 2015

Mode d'emploi

Chaque jour
où je crois 
te connaître

il me 
faut
te

            d
                 é
                       s
                     a
                 p
            p
        r
              e
                     n
                  d
               r
          e

Au programme : se détendre

Easy, isn't it ?

lundi 14 décembre 2015

Au bord de

Quand tes yeux sont au bord de me dire quelque chose. Et que ta bouche reste close. C'est l'un des plus beaux tremblements que tu m'offres. Comme un commencement. Un vaste champ de chimères, semé de particules fines. Un fragment de lumière renouvelé. Une porte entrouverte sur des mots qui n'ont pas su, pas pu, ou voulu éclore. Des mots qui parlent, même tus. Des mots imaginaires qui n'existeraient que dans les songes. De simples vétilles de filles. Des nuées de pensées qui grouillent par milliers comme des lucioles les nuits d'été. Je me calerai dans ce regard ouaté à la verticale de moi. Je pourrai presque y pénétrer tant je crois reconnaître l'endroit. Etre dans un prolongement, une annexe de moi. Je suis à l'aube de ton âme, aux portes d'un royaume où la mienne saurait t'y rejoindre. S'y engouffrer, dans un moment infime et suspendu. Si intime. Dans l'intimité même de l'être. Mais déjà il n'est plus. Sa brèche se dérobe sur l'horizon de promesses, d'illusions, de pensées censées satisfaire l'insatiable part de nous. Ce n'est sans doute qu'une douce illusion cette petite fugue. Un écran entre nous, là où nos projections se reflètent et s'étreignent dans un élan fugace. Le temps de l'illusion a la chaleur de la flamme. Mon regard, en écho, s'éclairera de sa lueur. Et je m'assoupirai dans cette sensation première. Celle qui ne trompe pas. Ou qui me ment si bien que j'accepterai de la croire.



(Photographie Noell Oszvald)





Sigur Ros - Hoppipolla - HD Live from Heima


dimanche 13 décembre 2015

Libido #12

Soumets 
mon texte
au penchant 
de ta bouche
Fends-moi 
la page
dans 
l'effusion
de tes 
langues
de tes 
souffles

Il y en aura d'autres

Quand je cache
ma trogne
boursouflée
du trop plein 
de l'attente
qui ne se
prononce pas
je ne sais pas
comment tu
t'y prends pour
rafistoler
tout ça 
pour éclipser
la morsure
construire
des ponts
me couronner
d'une aube
qui souffle
des bourgeons
de tes pognes


vendredi 11 décembre 2015

Cet instant

Pas la peine
de te donner 
du mal

De lui courir
après comme
un chien 

A peine né
il n'est
plus

Il a fondu
comme un 
flocon

Il est
déjà perdu
en somme

Disséminé
on ne sait

Dans l'infime
de ce qui
fût

Photographie de Davy Jourget




Jón Kalman Stefánsson

"Certains mots sont capables de faire fondre la glace qui nous enserre le cœur et il est même possible de les dépêcher comme des cohortes de sauveteurs quand les jours sont contraires."




jeudi 10 décembre 2015

Kenny Ozier-Lafontaine / Emilie Taymans


Texte Kenny Ozier-Lafontaine (Paul Poule)
Dessin Emilie Taymans

Détourne(ment) #3

Je ne suis jamais constante
                                       contente             

Sous la couture

Sous la couture 
de nos paupières
on tressera nos 
nuits dans 
l'haleine 
suspendue
des silences







mercredi 9 décembre 2015

L'espoir


Des impatiences qui s'empoignent sans emprise

Souvent je mens

Souvent la nuit 
se couche sans moi
les heures déroulent
leur sempiternelle
petite ritournelle
leur protocole usé
leur rengaine têtue

La nuit me dénude
ôte mon double de
pacotille qui tient
si peu la route
répète au ralenti
la cohue de 
brisures

Racle la crue
de peurs boueuses
d'infamies infondées 
des espoirs défaits

Souvent j'oscille 
je me dérobe
je suis brindille
je bois encore
les mêmes doutes
je débite en boucle
des vétilles 
louches

Dans ta bouche
résolue fleurissent 
de fines bluettes
des lueurs offertes 
à la louche pour
distraire ma mine
tordue

Souvent je te
bois au goulot,
sans reprendre 
mon souffle
insatiable, 
encore
longtemps

Sur l'aube rosie
de tes lèvres
je me répands
sans honte
au soleil blanc
de tes sourires
de miel frais




Le ventre vide

Je porte dans le ventre
le trop-plein de vide
qui me 
porte

mardi 8 décembre 2015

En travers

J'ai des 
noyaux
de mots
aiguisés
en travers 
de la bouche 
ils s'enchevêtrent
et trébuchent
en lambeaux
dans ma 
gorge




Libido #11

Quand il 
s'ex(e)
-prime
je me sur-
prends
à me 
sus(ce)
-pendre
à la verve
de sa 
   b
        o
        u
      c
   h
e

"Il faut peu de chose pour que ça aille" Jean-Pierre Georges


- Extrait de la page 21 -


Je m'ennuie sur terre
édité par le Dé Bleu en 1996

lundi 7 décembre 2015