C'est joli les malentendus. C'est doux parfois. Elle ne devait pas être là. Enfin c'est ce qu'elle croit. C'est ce qu'elle continuera de croire au fond. Elle n'était pas attendue. Ou pas vraiment. C'était bien elle qu'ils avaient invité sur le papier. Enfin [...]. Sur le papier seulement. Sur une fausse idée. Elle se serait fait passer pour "l'amie de quelqu'un de bien". Qui serait presque recommandable du coup. Tout le monde sait à présent qu'elle n'était pas ça. Cette "amie-là". Elle était sincère, pourtant, dans son mensonge. Elle ne pensait pas avoir emprunté ce chemin-là. L'usurpation... Elle connait pourtant bien, ça la suit partout. C'est après qu'elle a su. Quand on le lui a dit. En tout cas, elle y a cru. Au moins un peu. Elle se sera "presque" sentie l'une d'eux. Cette meute qu'elle redoute tant. Le temps d'une soirée. Le temps d'un malentendu. Elle y aura été bien reçue. Très. Elle sera étonnée après coup de la chaleur donnée. Elle n'en reviendra pas vraiment. Elle se questionnera encore, comme elle le fait pour tout. Elle ne saura plus qui d'eux ou d'elle fait si bien semblant. Elle aura pensé au dîner de cons, évidemment. Elle se sera dit "tiens, je sais de quel côté je serai". Et puis elle y sera allée quand même. Peut-être parce qu'elle n'est plus à ça près. C'est une deuxième nature chez elle. Là-bas, elle se sera laissée aller. Comme à son habitude. Elle parle trop pourtant. Elle le sait. Même sans une goutte d'alcool. Elle adore écouter aussi. Sans couper la parole (si si, c'est vrai). Ça lui évite de dire des conneries, hein. Il vaut mieux ne rien dire et passer pour un con que l'ouvrir et ne laisser aucun doute à ce sujet (merci Jean Yanne). Mais elle aura parlé quand même. Trop. Evidemment. Et ça aura dérapé... Elle se sera livrée. Un peu. Un peu beaucoup. Beaucoup trop en fait. C'est tout elle ça. Elle en fait toujours trop. Ça fait des années qu'on le lui dit pourtant. C'est plus fort qu'elle. Ça la dépasse, ça lui échappe. Elle voudrait tout maîtriser alors que même sa parole, elle ne la maîtrise pas. Elle ne dit jamais ce qu'elle dit comme elle voudrait le dire. Elle trébuche. Elle ne sera jamais grande. Elle restera sans doute tout le temps cette petite chose insignifiante. Qui a peur de tout. Peur d'être elle-même. Peur de ne pas plaire. Peur de ne pas être aimée. Ça la suivra tout le temps. Elle le sait bien. Mais elle aura été sincère dans son mensonge. Elle l'est tout le temps. Et elle se dira, en pensant à la citation de John B. Frogg "Derrière la vérité, il existe une autre vérité; laquelle est la vérité ?", que derrière le mensonge, il existe un autre mensonge, en se demandant encore longtemps lequel mensonge est le plus vrai.
Note : A Eric P. avec tous mes remerciements. Parce que j'aime la farce. Et le boudin, noir ou blanc.