"Il y a des paysages dans les livres et des livres dans
les paysages. J'en ai quelques uns dans le sac, d'autres dans la tête. Moi qui
parle peu je ne me tais jamais vraiment. Il faudrait que j'écrive et que je
pense à deux ou trois choses intelligentes à dire pendant les rencontres en
librairie qui s'annoncent. Théoriser mon coeur. Mais je préfère couler dans mon
siège - place 82, voiture 3, train 5378 - et lire le grand pays du ciel à
travers la vitre sale. Je fais finalement l'effort d'écrire ces lignes pour
m'en débarrasser. Les mots sont mon principal médium pour recevoir le monde.
Piste d'élan, matelas d'atterrissage, salle de désinfection, réception
satellitaire. Les mots tout emmêlés de sensations, tout englués d'émotions
confuses. La plupart du temps ils réduisent la distance, me rapprochent de la
matière glissante, de la langue de la bête dans les sables mouvants. Mais
parfois ils m'éloignent, m'encombrent, m'entravent. Je n'en veux plus. Je suis
rempli de vous, d'amour et de haine. Vide de mot. Enfin. Une fatigue délicate
coule dans mes veines. Une bonne dose d'absence. L'instinct. Le ventre plein du
monde. Mes yeux se perdent à l'horizon fuyant, avec peut être quelque chose de
la paix d'un chien ou d'une grenouille, d'une mouche ou d'une feuille dans le
vent. Je peux enfin me taire."
Le blog de Thomas Vinau est ici