Platys Gialos, 1980

Platys Gialos, 1980
Charlotte Mont-Reynaud, Platys Gialos, Mykonos 1978

mercredi 12 décembre 2018

Cent nuits

C'est d'abord la musique.
L'accroche instantanée.
La possible échappée
qui me sauve et me noie.
Quelque chose frappe.
M'échappe. Me dévore.
Un battement lancinant
gonfle mes replis intérieurs.
Réveille l’ourlet crépusculaire.
Impérieuse pulsation.
Ça cogne.
Juste là.

Peur que ça se voit.

Le son, c’est toi.
Le sens, les sens.
N’importe lesquels.
(Mais) Plus tard.

Moi toujours gaie.
Même carapace.
Même masque.
Toujours fille qui sourit.

Il n’y a que toi.
C’est tout comme.
J’enrage.
Essaie de neutraliser la bête.
De bâillonner l’emprise.
L’appétit féroce. Intempérant.

Fais un rapide tour d’horizon.
Cherche des connaissances.
Une place où poser mon sourire.
Mes fesses, mes cuisses.
Le reste de ma famine.
De mes peurs de petite fille.
Avant de fouler la piste.
Je danse seule. Souvent.
Au début presque toujours.
Jamais longtemps. Ni pour longtemps.

Je commande une boisson à la hâte.
Pour m’étourdir vite. M’éblouir.
M’engourdir. Me dissimuler un peu plus.

Je t’attends. Te guette.
Cherche à t’attraper du regard.
Je ne suis pas la seule
à t’attendre
à te vouloir

Toujours j’espère t’avoir pour moi.
Entre mes mains, mes bras, mes cuisses.
Le temps d’une danse.
D’une heure. D’une presque nuit.

Une musique m’envahit. Me transperce.
C’est LA musique.
Celle qui perfore mon ventre d’ogresse
Celle que je veux pour toi. Avec toi.
Celle qui n’est presque qu’à nous.
(Pauvre sotte)

Je cours vers toi. Trop tard.
Une autre t’a déjà prise par le bras.
Effondrement de ma citadelle.
Je suis une Amélie en eaux.
Une mer de sel. Dedans.

Je me ramasse en tas. En tas de toi.
De questions. D’atermoiements.
Qui roulent. Compriment.
Asphyxient ma fausse joie.

Il faudrait des tickets.
Patienter jusqu’au prochain tour.
Je recommence tout à zéro.
J’attends. Pas patiemment.
Ça je sais pas. J’ai jamais su.

Parfois c’est toi qui vient.
T’approche. Placide et doux.
Souvent c’est moi. Vorace.
Comme les autres. Comme toutes ces autres.
A te sauter dessus. A t’agripper comme une proie.
A te dévorer déjà.
(Pauvre sotte)

Te voilà entre mes bras.
Mutique fierté.
L’éclat de mes canines parle malgré moi.

Peur que ça se voit.

Impossible de lutter.
Désir pur. Incandescent.
Je ne sais pas conjurer ça.
Pas avec toi.

Tout mon corps est engagé.
Constellé d’aurores. De brumes chaudes.
Happé par ton souffle, ta voix, ta peau,
ta langue que je ne comprends pas toujours,
par tout ce qui ne m’appartient pas.
Ni ce soir. Ni les autres.

II y aura ce geste.
La petite pression de tes doigts.
Juste là. Imperceptible.
Que je serai seule à recueillir.
Qui brisera mes dernières résistances.
Fera grand feu sur mes joues. Sous la peau.
Exaltera la vague hirsute.
L’appétit de louve. De tigresse.
Tout est trop cru et délicat.

Je suis une invisible. Une bouche d’ombre.
La part qu’on cache.
Qu’on ne nomme pas.
Celle des murmures nocturnes.
Des promesses qu’on ne tient pas.

Reste un souvenir de toi sur ma peau.

Comme une incandescence
sous ma cambrure.
Juste là.

Goutte d'eau dans l'océan.

Peur que ça se voit.


[Cent nuits "Peur que ça se voit ~ La vie sans" - Poème isolé]

(A Céline Tillier pour l'impulsion et l'élan).

lundi 3 décembre 2018

Détourne(ment) #85

La poésie ne fait que parler d'elle
                                           d'ailes