"Je n’écris pas une histoire mais une
langue, je n’écris pas une situation mais une forme, je n’écris pas des
personnages mais des langages, je n’ai pas besoin de sentiments d’anecdotes
d’amour, je veux des puissances, des mots ajustés, des possessions, des folies,
des guérisons, je veux des volumes pas des décors, pas des déguisements, pas
des costumes, je me fous de la narration, de la progression, je marche dans la
boue, je tombe à genoux, je frappe au cœur, chaque mot est une découverte, une
horreur, une solitude, deux mots sont un miracle, les recherches interrogent,
soulèvent le sujet, l’écorchent, l’écriture est une anatomie, elle sort chaque
organe, le pèse, soupèse, le dissèque, je passe des mois à remettre dans ce corps
écartelé les organes étudiés, je referme, suture au fil de crin, au fil rouge,
au fil noir la peau de mon support, ses poumons remplis d’eau et de pierres,
tant qu’il ne respire pas je ne respire plus, nous supprimons l’air entre les
mots, il n’y a rien de plaisant à me lire, rien de confortable, rien de
réconfortant, la langue s’essuie au regard humide, luisante elle pénètre,
s’insinue si bien aiguisée qu’elle scarifie, laisse trace, devient trace. "
- Miracle - extrait de La Patagonie
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