Platys Gialos, 1980

Platys Gialos, 1980
Charlotte Mont-Reynaud, Platys Gialos, Mykonos 1978

mardi 19 janvier 2021

Respire


Ça fait longtemps que tu voudrais respirer. Respirer vraiment. Respirer amplement. Aisément. Respirer pour te faire de l’espace. Un espace qui t’unisse et t’agrandisse. Un espace qui t’apaise et te rassure. Ça fait longtemps que tu essaies. En fait, tu balbuties encore. Tu essaies depuis plusieurs années. Pourtant tu continues de te casser le nez. De ne pas parvenir à le faire vraiment. Et puis tous ces masques que tu avais ôtés. Ces pelures invisibles dont tu t’étais délesté. Aujourd’hui, tu as besoin de vérité. De vrai. De sincérité. Tu n’as plus de carapace. Tu es nue, à la merci de ta vulnérabilité, de la vie et conjugues avec son impermanence. Mais tu pressens au fond qu’elle va t’aider. Que depuis le temps que tu te sens décalée et bancale, elle te permet de voir ce qui reste invisible ou imperceptible à d’autres. Et que cette vulnérabilité qui t’accompagne est essentielle. C’est elle qui te fera rebondir, t’ouvrir, t’épanouir. Après. Plus tard. Dans un second temps. Tu sais que le temps viendra lisser tes tourments.
Tu voudrais courir, sauter, bondir, résister. Tu voudrais réagir et pourtant tu subis. C’est l’impression que tu as. Celle de ne pas décider. De ne pas t’imposer. De ne pas te faire respecter. Celle de ne pas te protéger suffisamment, en cloisonnant. Celle de te sentir empêchée. De n’être pas celle que tu voudrais être. Libérée. Révélée. Affranchie. Entière dans sa vérité.
Tu continues de subir ces fumées toxiques. Tu pensais avoir réglé tes comptes quand tu avais touché le fond. Et te revoilà ‘presque’ au point de départ. ‘Presque’ parce que cette fois, la donne a changé et que tu ne veux pas t’écrouler. Que tu ne peux pas. Tu n’es plus seule. Tu as donné la vie. Cette vie de 4 ans regarde droit dans les yeux la colère qui ne te quitte pas.
Alors, tu tiens debout. Encore. Et tu avances. Seule. En mode survie.
C’est ce mode survie qui t’interroge et te questionne. Tu voudrais vivre, déposer les armes. Dans ce moment qui déchire tes certitudes, tu cherches à t’ancrer plus encore dans tes fondamentaux. Tu voudrais vivre pleinement. Te sentir légère. Insouciante. Joyeuse. Aérienne. Puissante. Rayonnante. Brillante. Tout en laissant la place à tes doutes, à tes fêlures, à ta fragilité.
Tu n’es peut-être pas si fragile que ça dans le fond, même si tu te sens perdue, en panique, sans bouclier, le cœur essoré. Tu sens que, même à terre, et même si tu en doutes, tu parviens encore à sortir les crocs et à contester, à refuser les daltoniens de l’âme. Tu sais qu’au fond, tu es en train de te battre pour te rapprocher de ta liberté d’être. Ta liberté d’oser, celle de t’autoriser à t’aimer et d’être une version décrassée de toi-même, débarrassée de tes fantômes, de tes peurs, de tes empêchements, de tes sabotages intimes. Tu voudrais passer à la vitesse supérieure et être celle qui transmet. Tu voudrais construire. Te rapprocher de ton essence et de ce qui t’es essentiel. Croire en toi. Développer ton potentiel. Oser. Ecrire. Créer. Rêver. Avancer. Voir grand, même en commençant petit. Essayer. Rater. Apprendre. Essayer encore. Oser surtout. Continuer d’avancer, même en trébuchant. Peut-être donner envie. Partager. Rire. Etreindre. Embrasser. Prendre soin. Tu veux en finir de ces fumées toxiques qui ont parcouru tant de générations avant toi. Tu ne veux plus être une ombre. Celle qui a peur de déranger. Tu voudrais déposer ta colère une bonne fois et devenir invincible de douceur.

(Ecrit pour l'atelier d'écriture de Céline Tillier, de la Cie du Cèdre).

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